Anuhi Lou

à la rencontre de l'intime

Anuhi c'est votre prénom ?

Oui, c'est d'origine Tahitienne. Je suis né à Papeete, j'y ai passé toute mon enfance. Toute ma famille, toutes mes racines sont la-bas. C'est une autre planète. Des couleurs qui s'accordent d'une manière invraisemblable, une vie luxuriante et grouillante. C'est une île qui émerge de nulle part : toutes les formes de vie terrestres s'y expriment et s'y accrochent. La moindre parcelle de terre est recouverte d'une couleur végétale.

Qui sont les personnages sur ces photographies ?

C'est ce que j'appelle mon deuxième cercle. Mes relations intimes. Mes deux enfants. Ces photos font partie d'un projet, d'un héritage qui leur est destiné. Vous vous souvenez certainement de moments de votre enfance. La moindre photo vous évoque mille parfums, mille souvenirs. Je constitue pour eux une mémoire visuelle de leur enfance. Sans réellement de rigueur, ni de plan fixe... Ce n'est pas une étude scientifique ! mais suffisamment de clichés, comme autant de pierres lancées dans une mare d'eau.

Je construis une maison mnémotechnique : chaque photo est une brique qui porte des plans et des constructions possibles.
C'est comme un tarot à l'envers où vous liriez les différentes combinaisons de lames pour relire le passé. En ce sens, mon rapport avec le matériel de prise de vue est très important pour moi. C'est un outil pour rendre réel.       

Quel matériel et quelles pellicules utilisez-vous ?

Pour les photos exposées, rien que du très classique. Pour la prise de vue : du bois, du métal, des cailloux !
Une Ebony 45S, pour la rapidité de mise en place, la légèreté, et la facilité de mise en oeuvre quand vous venez d'une monorail ! Optiques Schneider 80 et 110 Super-Symmar XL et 210 Apo-Symmar. Pour le consommable : Tri-X développé avec de l'HC-110 pour la souplesse de développement. Les prises de vue en extérieur, à la lumière naturelle bien entendue, et pour les portraits, lumière d'atelier (vélux) ou (et) flash de studio.
En situation public, une folding (bon, la 45S n'est pas une folding...) est beaucoup plus "discrète" qu'une monorail, elle à plus un côté "grand-père" que "grandes manœuvres"...

Je me dis souvent que je pourrais faire des photos avec une boîte à chaussure percée. Mais quand j'ai vu et touché la première fois la chambre en ébène et titane... Disons que je préfère maintenant les chaussures percées et la chambre en ébène...       

Qu'est-ce que c'est qu'une bonne photographie pour vous ?

C'est une photo à la croisée des chemins. La photographie est par essence paradoxale. Elle prétend retranscrire le réel, mais l'image est figée, sans odeurs, sans bruits, sans couleurs parfois ! C'est l'iceberg émergé de nos mémoires. Je ne peux pas dire qu'une photo est bonne. En mathématique, il nous faut deux points pour tracer une direction ; une touche de peinture ne suffit pas révéler le tableau. Je crois qu'une bonne photo est multiple et n'existe que dans une série, avec une intention explicite dans le temps. Une photo et une seule contient trop de possibles. En ce sens, la photo est musique, elle suit un rythme, une partition.

Mais bon, si on devait se contenter d'une photo et d'une seule... C'est être en équilibre entre représentation du réel et visualisation d'un réel voulu et photographié. Sans savoir réellement qui l'emporte. Une photo lard et cochon.

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